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    « Excuse-moi c’est dans combien de temps la gare ? »

    Une jeune femme à la voix rauque me prit au dépourvu. Le visage aux traits assez masculins, elle porte un jean de cow boy usé au genou et est encombrée d’un sac de couchage et d’une besace en skaï.

    « Dans trois arrêts.

    - Dans trois arrêts ?... Nan mais parce que je suis perdue dans cette ville. Je viens juste d’arriver… »

    Oui, elle a l’air terriblement perdu. Le regard hagard. Tout son être paraît anxieux. Elle se donne du courage en parlant fort, mais elle n’en mène pas large.

    Le tram s’arrête. Quelques personnes descendent, d’autres montent.

    « Dans deux arrêts ? me demande-t-elle l’air détachée. »

    Je lui souris en guise de confirmation.

    « Tu pourras me prévenir quand on arrivera s’il te plait. Parce que là je sors de l’hôpital et je suis très fatiguée. »

    Elle se justifie une fois de plus. J’acquiesce.

    Je n’ose pas la regarder, je ne veux pas la couvrir de pitié. Je l’observe à la dérobée, le reflet de la vitre me suffit. Le maquillage accentue les cernes sous ses yeux. Ses cheveux sont emmêlés mais propres. Elle appuie son front contre sa paume, ferme les paupières, se redresse aussitôt et attrape un briquet dans son sac. J’y remarque aussi une bouteille de verre.

    « Prochain arrêt ?

    - Oui. »

    Je lui renvoie son sourire.

    « Mais après il faut prendre une autre ligne, y a … ?

    - Non la gare est juste là. »

    Je pointe du doigt le bâtiment vitré sur notre droite.

    « Ah ? Et après je prends mon train pour Paris et je rentre chez moi ?... »

    Je ne sais pas si c’est une interrogation ou une affirmation. Tente-t-elle de se convaincre elle-même ? Dans quatre heures, elle sera à la capitale. La cathédrale Notre Dame sonnera minuit et elle sera seule dans l’immensité de la ville.

    « Gare SNCF Nord »

    Elle se lève, attrape ses sacs.

    « Merci beaucoup. C’est vraiment sympa ! »

    Le tram s’arrête.

    « Bonne soirée ! »

    A peine sortie, elle interpelle un nouveau passant. J’aimerais tant l’aider, la prendre par la main et la ramener chez elle. Comprendre, apprendre, s’éprendre.

     

    Le tram repart sans crier gare. Sa silhouette disparait, son souvenir reste et l’imagination s’emballe.


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