• 1.2

    1.2

    Blanc

    Une si pure couleur

    Représentative de la candeur

    Tout simplement

    Un voile immaculé

    Pour cacher la stupidité

    Des apparences

    Des hommes d’importance

     

     

     

          Le centre ville d’Emèra était plutôt ancien. Les murs des bâtiments avaient été construits avec de grossier bloc de pierres et les toits avaient été décorés d’ardoises. Rarement, je m’étais promenée dans les rues du centre. Ces dernières sentaient les gaz d’échappement et de temps en temps, il se dégageait des parfums plus agréables : la chaude odeur des croissants, des fleurs du fleuriste… Ce jour là, je foulais du pied les pavés du trottoir grâce à Olivy qui avait insisté pour que je l’accompagne.

          Elle voulut me montrer son lieu de travail. Ma colocataire travaillait dans un salon de coiffure. Nous entrâmes à l’intérieur et Olivy me présenta à sa patronne :

          « Namia, je te présente ma coloc’ et amie, Rose. 

          - Enchanté, m’accueillit la femme. »

          Rose nous laissa faire plus ample connaissance et partit choisir quelques produits de cosmétiques.

          Moi, si timide d’habitude, engageai la conversation avec la coiffeuse :

          « Depuis combien de temps tenez-vous ce salon ?

          - Bientôt 10 ans.

          - Vous avez beaucoup de clients ?

          - Oui,… mais je ne suis pas débordée.

          - Vraiment ?... J’aurais cru… 

          -  Je suis noire. »

          La phrase tomba, telle une évidence… Cette évidence me surprit. Je lui répondis rapidement pour ne pas la vexer :

          « La couleur… La couleur, quelle importance ? Seul le savoir-faire compte !

          - Malheureusement, les gens sont plus racistes qu’ils ne le prétendent. Vous ne savez pas ce que c’est d’être noir, vous êtes blanches ! »

          Les mots de la présentatrice télé me revinrent : « Nouvelles émeutes raciales… ». Ces « émeutes » étaient seulement dues à une histoire de race, à une histoire de couleur ! Une fois de plus (et ce ne serait pas la dernière), l’attitude de l’Homme envers sont prochain m’écœura : on ne se fit qu’à nos apparences et on se méfit de nos différences ! Pour moi, c’était incompréhensible …  Je déclarai alors à Namia :

          « Je suis aveugle : pour moi, la couleur ne compte pas ! »

          Mes 10 derniers mots laissèrent la femme sans voix. J’en profitai pour changer de sujet et aussi pour essayer d’en apprendre un peu plus sur le passé de ma colocataire :

          « Depuis combien de temps Olivy travaille pour vous ?

          - Depuis déjà 8 mois. Je l’apprécie beaucoup : c’est une bosseuse ! »

          Je fus déçue d’apprendre que Namia ne connaissait pas Olivy avant la fameuse nuit, c’est-à-dire : il y a 9 mois… Puis, ma colocataire coupa court à notre discussion. Nous sortîmes après avoir échangé quelques bises et avoir invité Namia à prendre un café « un de ses quatre»…

                    Vers 20 heures, Olivy et moi étions rentré. Mon amie avait acheté deux ou trois tenues estivales. A présent, nous nous apprêtions à passer à table. Ma colocataire avait préparé des macaronis. Je l’entendis regarder distraitement son portable. J’avalai mon repas quand Olivy se décida à parler :

                 « J’ai rencontré quelqu’un !

                    - Ah… »

                    Cela faisait longtemps que je ne me préoccupais plus des histoires d’amour des uns et des autres.

                    « J’aimerais te le présenter. Tu verrais… euh… tu découvrirais combien il est merveilleux !

                    - Parle-moi de lui, dis-je faussement intéressée.

                    - Il est brun et a la peau légèrement bronzé. Son sourire est d’une blancheur étincelante. Ses yeux sont d’un vert formidable ! Il est tellement beau !

                    - Parle-moi de ce que « je peux voir ».»

                    Elle parut réfléchir la fourchette à mi-distance antre l’assiette et sa bouche.

                    « Il sent l’Hugo Boss, a la peau très douce et je l’aime, enfin… je crois !

                    - Tu ne me parle que de son physique ! insistai-je. »

                    Olivy fut prise au dépourvu. Je choisis son instant d’hésitation pour lui dire ce que je pensais vraiment de son ami.

                  « Oui, je crois que tu l’aimes… Tu aimes son physique, rien d’autre. Voyons, c’est presque ridicule ! Ton ami peut être le premier des imbéciles ! De nos jours, on ne se fit quasiment qu’aux apparences ! »

                   Je quittai la table laissant Olivy comprendre mes paroles.

                    J’étais partie me calmer dans ma chambre. La journée m’avait fatiguée, mais elle m’avait surtout « ouvert les yeux ». Moi qui ne pouvais pas voir, je venais d’apprendre que les couleurs avaient une stupide importance. Mes « découvertes » me révoltaient plus que nécessaire…

                  J’avais compris ce que contenait la lettre avant qu’Olivy ne la lise. Pendant neuf mois, j’avais essayé de me construire une vie digne de ce nom avec l’aide d’une amie formidable. Mon existence commençait à avoir un sens, le brouillard s’estompait. Mais, comme j’aurais du m’y attendre, mon fragile château de cartes s’effondrait à cause d’une feuille de papier, de quelques mots, de quelques mots illisibles…

                  Je tentai de me ressaisir et demandai comme si l’arrivée d’une lettre à l’adresse d’Olivy était banale :

                  « C’était une lettre de ton petit ami ?

                - Non, et je n’ai plus de petit ami. 

                - Alors, de qui était-ce ? »

                Chaque mot que je prononçais ne brûlaient la langue, j’avais peine à parler, et ma colocataire aussi.

                « Je suis vraiment désolé Rose, commença-t-elle. Tu comptes beaucoup pour moi, mais sache que si tu n’avais pas été là, j’aurais sauté de joie… mais ce n’est pas le cas… »

                Qu’avais-je à répondre à cela ? Rien, sauf que je savais que je n’avais pas été trahie.

                « Tu sais, je m’en veux tellement de t’avoir donné de faux espoirs. Il faut que je retourne là-bas… Il faut que je retourne chez moi…

                - Emmène-moi avec toi ! Je t’en supplie !

                - Non. Je ne t’emmènerai pas avec moi, tout comme je ne te révèlerai pas où je pars. Comprends-tu ? Je veux que tu m’oublies… Avec toi, Rose, j’ai beaucoup appris et changé, mais à présent, je n’ai plus le choix… »

                La Terre venait de s’arrêter de tourner. J’arrivai avec peine à demander :

                « Quand pars-tu ?

                - Dans une semaine, répondis Olivy gênée.

                - Si j’avais su… »

                Sur ces mots je me levai et me réfugiai dans ma chambre pour pleurer.

                C’est ce soir-là que me vint l’inspiration qui fit de moi ce que je suis devenue aujourd’hui. Il fallait que j’évacue mon chagrin. J’allumai donc mon ordinateur avec un clavier en braille. Je me mis à écrire et finis par obtenir un poème : 

      

                    Dans les futurs jours

                    Il restera toujours

                    Une horrible cicatrice

                    De cet affreux sacrifice

                    Mon cœur saigne

                    Mes larmes baignent

                    Mon visage livide

                    Mon cœur candide

                    Vient de recevoir

                    Un long poignard

                    Me remplissant

                    D’un désespoir

                     Plus que noir

     

     

                La veille du départ d’Olivy, Namia vint, comme promis, boire le café. J’étais dans ma chambre à écrire à mon ordinateur lorsqu’elle frappa à la porte. Ma colocataire se précipita pour ouvrir à sa patronne. J’entendis japper, il semblerait que Namia soit venue avec son chien. Les deux femmes allèrent s’installer dans la cuisine. Olivy prépara deux Nespresso et sortit des chocolats.

                Elles parlèrent de banalités, mais elles ne se risquèrent pas à aborder le sujet du départ. Mon amie se doutait sûrement que j’écouterai la conversation. Pourtant, elle parla de moi à Namia :

                « Je t’en prie, prend soin de Rose. J’ai peur pour elle.

                - Ne t’inquiète pas, je m’en occuperai. Mais où est-elle ?

                - Dans sa chambre. Ca fait cinq jours qu’elle n’en sort que pour des besoins primaires. Nous sommes trop proche pour que je… Excuse-moi. »

                Olivy sortit son mouchoir tandis que Namia frappa doucement à ma porte :

                « C’est Namia, je peux entrer ?

                - Oui.

                Elle s’approcha rapidement ne me laissant pas le temps de fermer mon ordinateur.

                « Que fais-tu ? »

                Elle maintint l’ordinateur ouvert et se mit à lire ce qui m’énerva. Je commençai à m’agiter lorsqu’elle déclara d’une voix émue :

                « C’est beau !

                - Que voulais-tu ? la coupai je sèchement. »

                « Hum… Je souhaitais savoir comment tu allais.

                - Très bien. C’est tout ?

                - Non, j’ai… Nous avons une surprise pour toi. »

                Le nous impliquait Namia et Olivy. La coiffeuse se tourna vers la porte et appela :

                « Azur ! »

                Immédiatement, je perçus le bruit précipité des pattes sur le parquet. Le chien me lécha les mains et un sourire involontaire illumina mon visage.

                L’aube se leva sur le jour  le plus triste de ma vie après celui de la mort de mes parents. Azur avait dormi sur mon lit et il me réveilla. Le chien s’agitait devant la porte de ma chambre, Olivy s’apprêtait à partir. Mon petit compagnon grattait la porte de ses griffes et j’attendais, avide du moindre bruit, espérant un miracle. La porte de l’appartement s’ouvrit…

                La porte se ferma…

                Elle était partie.

     


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