• 0.1

     

    Les arbres dansaient au rythme de vent léger qui faisait frémir leurs épines. Une douce brise venait de la mer et amenait avec elle des odeurs marines toutes particulières. Les vagues s’écrasaient sur le rivage gorgeant le sable d’eau. Le Soleil avait laissé place à la Lune et l’astre de nuit tentait désespérément d’éclairer le sol terrestre. On aurait presque imaginé que ce paysage était paradisiaque et pourtant… Tout y était noir, noir, noir…

    Je refermai les yeux préférant savourer ces quelques minutes de paix. Après toutes ces nuits passées au bord de la mer, je connaissais les lieux par cœur et j’avançais d’un pas sûr. L’été avait été particulièrement chaud cette année et il était agréable de sortir la nuit. Je me retournai : là-bas à quelques kilomètres, la ville d’Emèra régnait sur la région alentour.

                    Emèra… Emèra avait été créée 300 ans plus tôt par un souverain aimé du peuple et fasciné par la culture grecque antique. Sa majesté avait donc pompeusement décidé d’appeler la ville « Jour »*. C’était ici que j’étais née et c’était sans doute ici que je mourrais enterrée dans un morbide et immense cimetière.

                    Je marchais donc et j’arrivais à hauteur d’un panneau (publicitaire ?). Sauf que cette nuit là, à part le panneau dont la lumière agressive me brûlait la peau, il y avait la présence d’autre chose, d’un moteur. Je reconnus immédiatement  que c’était une voiture. Il y avait quelqu’un dans les parages ! Je me concentrai et perçus, grâce à ma fine ouïe, des bruits étouffés me parvenant du bord de mer.

                    A présent, je marchais en direction de la plage et du bruit. J’étais à peine  méfiante, même si je savais que les hommes ont tendance à être agressifs la nuit.

                    « Qui est là ? »

    Sa voix retentit tel un éclair et me glaça le sang. A vrai dire, je m’attendais à cette réaction, mais pas à cette voix… Elle était emplie de méfiance et de crainte, mais surtout de souffrance et de terreur. Je continuai à avancer mais avec beaucoup plus de prudence.

                    J’émergeai des arbres et arrivai sur la plage. L’autre se figea et à son tour, s’avança vers moi. Sa démarche était légère mais rapide. Les derniers mètres furent parcourus en courant. Moi, je ne bougeai pas et m’étonnai même par mon sang-froid. D’habitude, j’évite plus que possible les autres êtres humains. Ils me font peur et cherchent toujours d’une manière ou d’une autre à nuire à autrui.

    La fille m’agrippa le bras avec violence et me fit sursauter. Ses mains étaient glacées et on sentait incroyablement ses os sous sa peau. L’inconnue devait être extrêmement maigre ! Elle agitait mon bras avec insistance et force. Sa voix m’effraya de nouveau :

                    « Je t’en prie. Je ne veux pas y retourner !... »

                    La fille émit un gémissement et j’en profitai pour me dégager. A présent, elle me faisait vraiment peur. Elle souffrait et était malheureuse, c’était évident. Malheur… Rien qu’à cette pensée, je frissonnais. Je connaissais bien le malheur, je ne pensais pas qu’il puisse m’arriver pires souffrances que celles qui m’avaient accablées et celles qui m’accablaient encore.

                    L’inconnue insistait fiévreusement et pleurait désespérée. Des gouttes d’eau salée perlèrent sur mes joues. Ce soir, je n’avais pas le courage d’affronter mes souvenirs. C’était trop. Je perdis tout mon courage et lui répondis d’une voix que je voulais ferme et qui ne réussit qu’à trembloter :

                    « Ecoute, je pense que tu ne vas pas très… bien, alors rentre chez toi. »

                    La fille s’écarta de moi définitivement et murmura comme pour elle-même, les yeux vides :

                    « Je ne veux pas rentrer… Je ne veux pas… Je ne veux pas les revoir… Plutôt mourir ! »


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  • 1.1

     

    Rose

    Une si douce couleur

    Représentative du bonheur

    Une fleur morose

    Sans vie, sans vue

    Une reine déchue

    Dans un jardin déserté

    Pour l’éternité

     

     

    La nature avait suivi son immuable cycle des saisons. L’été avec ses jours pluvieux, l’hiver avec ses jours enneigés et enfin le printemps avec ses jours nuageux. Les bourgeons trop longtemps restés fermés éclataient. Les oiseaux revenaient à la recherche de l’amour. Les arbres retrouvaient leur manteau de feuilles. La nature revivait après ces quelques mois d’hibernation.

    Moi aussi, je revivais et recommençais à hanter la nuit le bord de mer. Neuf mois s’était écoulés depuis ma mystérieuse rencontre nocturne. Neuf mois que j’habitais avec ma colocataire. Neuf mois pendant lesquels la Terre avait tourné et les Hommes s’étaient entre-tués.

    J’allais sortir et m’habillais chaudement quand ma colocataire alluma la télévision. Les informations étaient toujours aussi macabres et j’y prêtais une oreille distraite. La voix monotone de la présentatrice résonnait dans le salon :

                    « Les armées du Zimbabwe ont massacré la ville de Maramba dans le but dans le but de contrôler les ressources en eau du lac Kariba. La Zambie a répliqué en menaçant le Zimbabwe de l’envoie de missiles importés grâce au trafic d’arme […]. »

                    C’était toujours la même histoire sauf qu’il s’agissait à chaque fois d’un pays différent. Une chose était certaine dans ces conflits : l’Homme en était la cause et la conquête de l’eau en était le but. Tous ces massacres était du à l’augmentation du prix de l’or bleu plus cher que l’or noir. Seule la Triade et les trafiquants d’armes profitaient et gaspillaient les dernières ressources de la Terre.

    Je laissais ces problèmes à nos stupides et cupides dirigeants. Cependant, Olivy semblait préoccupée par ces conflits. Ma colocataire ne paraissait pas vivre dans la même bulle que celle de la population de mon pays. Elle avait l’habitude d’être discrète. Je m’apprêtai à passer le seuil de la porte de mon appartement quand elle sortit de l’une de ces profondes réflexions.

                    « Où vas-tu Rose ? »

                    Sa question me surprit. Olivy n’avait jamais cherché à savoir où je partais les nuits et je n’avais jamais cherché à savoir pourquoi elle n’était pas retournée parmis les siens. Je répondai après un cours silence :

                    « Je vais me promener sur la plage ?

    - De nuit avec des lunettes de soleil ? »

    Je remarquai que la TV était éteinte, fait surprenant. Elle répéta sa question même si elle savait que je l’avais entendu :

    « Que caches-tu derrière ces lunettes, Rose ?

    - La vérité, me surpris-je à répondre. »

    Olivy retira délicatement mes lunettes, effleurant ma peau de ses doigts froids. J’avais ouvert les yeux : je ne voulais pas qu’elle comprenne, qu’elle parte. Je ne voulais pas me retrouver seule, je ne voulais pas qu’elle éteigne la faible lueur qu’elle avait allumée. Je n’osais pas m’imaginer en compagnie de mes fantômes dans cette imperméable et infinie obscurité.

    Ma jeune colocataire parut réfléchir, avant de demander :

    « Comment est-ce arrivé ? »

    Je tressaillis : elle avait compris… Olivy m’invita à m’asseoir sur le canapé. Sa voix douce et encourageante ajouta :

    « Raconte-moi, s’il te plaît. »

                    Je ne m’étais rendu compte de rien avant mes huit ans, et ma mère non plus. Pour mon anniversaire, elle m’avait offert des cours de piano chez notre voisine.

    « Bonjour petite Rose. Viens, assied toi  au piano. »

                    La vieille dame Sigè me faisait un peu peur : elle n’avait plus de sourcils et mettait une couche épaisse de fond de teint pour cacher ses rides. La professeure installa une page blanche sur le piano et elle me montra du doigt des points invisibles.

                    « Ceci est une partition, ici tu peux voir une portée, là une note.

                    - Je ne vois rien.

                    - Vraiment ? Regarde bien : les bâtons avec des points noirs sont des notes. »

                    A la fin du cours, elle avait voulu voir ma mère. Elles avaient parlé longtemps. Je les entendais à peine :

                    «  Rose ?... Vous croyez… Je n’avais pas remarqué… Pourtant… Vous avez raison… Mr Durant, dites-vous ?... J’irai… De rien… »

                    Sur le chemin du retour, maman avait semblé perturber. Je m’inquiétai alors pour elle :

                    « Maman, ça va ? T’as plein de rides sur le front !

                    - Ca va ma chérie, me sourit-elle. Comment s’est passé ton cours ?

                    - J’n’ai pas compris grand chose. La dame m’a montré plein de pages blanches et elle a dit n’importe quoi.

                    - Dis-moi chérie, ces derniers temps as-tu remarqué des transformations ? un je-ne-sais-quoi différend ?

                    - Nan, répondis-je en enfournant mon pouce dans ma bouche. »

                    La discussion était close.

                    Quelques jours plus tard, ma mère m’emmenait chez l’ophtalmologiste. Il me fit lire des pages blanches, puis avec des gribouillis et enfin, avec des vraies lettres. La consultation commença sérieusement à m’ennuyer et maman me laissa jouer avec les jouets du docteur. Pendant ce temps, les deux adultes parlèrent : l’homme était posé, la femme légèrement stridente. Moi, je jouais insouciante.

                    A Noël, je reçus de magnifiques lunettes et je repris les cours de piano avec Mme Sigè. Je voyais les notes, les portées, j’étais heureuse. De plus, la musique que produisait l’instrument me plaisait. Ma vie s’écoula et mes visites chez Mr Durant, le docteur, se multiplièrent…

                    Ma crise d’adolescence vint comme tout le reste. Plus ma poitrine poussait, plus je perdais la vue. Mes amies parlaient de garçons et d’études supérieurs. Moi, je savais que je ne pourrais jamais poursuivre mes rêves. A la maison, je devenais de plus en plus insupportable, mais mes parents acceptaient mes crises de colère sachant que j’étais leur unique fille. Ma maladie était due à une anomalie génétique et ils se culpabilisaient au point de ne vouloir aucun autre enfant…  En faite, c’est à partir de quatorze ans que je devins malheureuse et… aveugle.

                    J’arrêtai mon récit et me tournai vers Olivy. Elle ne m’avait pas interrompu et j’attendis un commentaire de sa part :

                    « Ta maladie ne s’est pas développée immédiatement. Tu as des souvenirs, non ?

                    - Presque pas. Quand tu es jeune, tu ne fais pas attention au monde qui t’entoure. Te souviens-tu de la couleur des cheveux de ta poupée ?

                    - Non, admit ma colocataire.

                    - De plus, avec le temps, tu crois que toutes ces couleurs ne sont qu’un rêve. S’y accroché, c’est vouloir sa mort… Tu ne peux pas construire ta vi sur le passé !

                    Ma remarque parut la perturber un instant, mais elle se reprit.

                    « Tu as tes parents pour t’aider, non ?

                    - J’avais, rectifiai-je, amère. Le 20 février, il y a 2 ans, ils ont eu un accident d’avion. Mes parents sont partis en vacances en Andalousie. Ils ne sont jamais arrivés… 

    Ensuite, j’ai traversé une dure période. Mon père avait des dettes et j’ai du vendre la maison et les véhicules. Avec l’argent, j’ai remboursé ses dettes et je me suis achetée ce petit appartement : pas trop loin du centre ville et du cimetière. Je me retrouvai seule et pour unique compagnie le noir. Jusqu’à notre rencontre… »

                    Olivy me serra timidement dans ses bras et tenta de me rassurer :

                    «  Ne t’inquiète pas je ne te laisserai pas tomber. On va s’en sortir ensemble ! »

                    A ses mots, je me rendis compte que ma colocataire avait autant besoin de moi que j’avais besoin d’elle…

                    J’étais encore plongée dans mes pensées lorsqu’Olivy ralluma la télévision. La présentatrice du journal de 20 heures continuait toujours son monologue :

                    « Nouvelles émeutes raciales dans la banlieue d’Agora, notre capitale… »

     

     


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  • 1.2

    1.2

    Blanc

    Une si pure couleur

    Représentative de la candeur

    Tout simplement

    Un voile immaculé

    Pour cacher la stupidité

    Des apparences

    Des hommes d’importance

     

     

     

          Le centre ville d’Emèra était plutôt ancien. Les murs des bâtiments avaient été construits avec de grossier bloc de pierres et les toits avaient été décorés d’ardoises. Rarement, je m’étais promenée dans les rues du centre. Ces dernières sentaient les gaz d’échappement et de temps en temps, il se dégageait des parfums plus agréables : la chaude odeur des croissants, des fleurs du fleuriste… Ce jour là, je foulais du pied les pavés du trottoir grâce à Olivy qui avait insisté pour que je l’accompagne.

          Elle voulut me montrer son lieu de travail. Ma colocataire travaillait dans un salon de coiffure. Nous entrâmes à l’intérieur et Olivy me présenta à sa patronne :

          « Namia, je te présente ma coloc’ et amie, Rose. 

          - Enchanté, m’accueillit la femme. »

          Rose nous laissa faire plus ample connaissance et partit choisir quelques produits de cosmétiques.

          Moi, si timide d’habitude, engageai la conversation avec la coiffeuse :

          « Depuis combien de temps tenez-vous ce salon ?

          - Bientôt 10 ans.

          - Vous avez beaucoup de clients ?

          - Oui,… mais je ne suis pas débordée.

          - Vraiment ?... J’aurais cru… 

          -  Je suis noire. »

          La phrase tomba, telle une évidence… Cette évidence me surprit. Je lui répondis rapidement pour ne pas la vexer :

          « La couleur… La couleur, quelle importance ? Seul le savoir-faire compte !

          - Malheureusement, les gens sont plus racistes qu’ils ne le prétendent. Vous ne savez pas ce que c’est d’être noir, vous êtes blanches ! »

          Les mots de la présentatrice télé me revinrent : « Nouvelles émeutes raciales… ». Ces « émeutes » étaient seulement dues à une histoire de race, à une histoire de couleur ! Une fois de plus (et ce ne serait pas la dernière), l’attitude de l’Homme envers sont prochain m’écœura : on ne se fit qu’à nos apparences et on se méfit de nos différences ! Pour moi, c’était incompréhensible …  Je déclarai alors à Namia :

          « Je suis aveugle : pour moi, la couleur ne compte pas ! »

          Mes 10 derniers mots laissèrent la femme sans voix. J’en profitai pour changer de sujet et aussi pour essayer d’en apprendre un peu plus sur le passé de ma colocataire :

          « Depuis combien de temps Olivy travaille pour vous ?

          - Depuis déjà 8 mois. Je l’apprécie beaucoup : c’est une bosseuse ! »

          Je fus déçue d’apprendre que Namia ne connaissait pas Olivy avant la fameuse nuit, c’est-à-dire : il y a 9 mois… Puis, ma colocataire coupa court à notre discussion. Nous sortîmes après avoir échangé quelques bises et avoir invité Namia à prendre un café « un de ses quatre»…

                    Vers 20 heures, Olivy et moi étions rentré. Mon amie avait acheté deux ou trois tenues estivales. A présent, nous nous apprêtions à passer à table. Ma colocataire avait préparé des macaronis. Je l’entendis regarder distraitement son portable. J’avalai mon repas quand Olivy se décida à parler :

                 « J’ai rencontré quelqu’un !

                    - Ah… »

                    Cela faisait longtemps que je ne me préoccupais plus des histoires d’amour des uns et des autres.

                    « J’aimerais te le présenter. Tu verrais… euh… tu découvrirais combien il est merveilleux !

                    - Parle-moi de lui, dis-je faussement intéressée.

                    - Il est brun et a la peau légèrement bronzé. Son sourire est d’une blancheur étincelante. Ses yeux sont d’un vert formidable ! Il est tellement beau !

                    - Parle-moi de ce que « je peux voir ».»

                    Elle parut réfléchir la fourchette à mi-distance antre l’assiette et sa bouche.

                    « Il sent l’Hugo Boss, a la peau très douce et je l’aime, enfin… je crois !

                    - Tu ne me parle que de son physique ! insistai-je. »

                    Olivy fut prise au dépourvu. Je choisis son instant d’hésitation pour lui dire ce que je pensais vraiment de son ami.

                  « Oui, je crois que tu l’aimes… Tu aimes son physique, rien d’autre. Voyons, c’est presque ridicule ! Ton ami peut être le premier des imbéciles ! De nos jours, on ne se fit quasiment qu’aux apparences ! »

                   Je quittai la table laissant Olivy comprendre mes paroles.

                    J’étais partie me calmer dans ma chambre. La journée m’avait fatiguée, mais elle m’avait surtout « ouvert les yeux ». Moi qui ne pouvais pas voir, je venais d’apprendre que les couleurs avaient une stupide importance. Mes « découvertes » me révoltaient plus que nécessaire…

                  J’avais compris ce que contenait la lettre avant qu’Olivy ne la lise. Pendant neuf mois, j’avais essayé de me construire une vie digne de ce nom avec l’aide d’une amie formidable. Mon existence commençait à avoir un sens, le brouillard s’estompait. Mais, comme j’aurais du m’y attendre, mon fragile château de cartes s’effondrait à cause d’une feuille de papier, de quelques mots, de quelques mots illisibles…

                  Je tentai de me ressaisir et demandai comme si l’arrivée d’une lettre à l’adresse d’Olivy était banale :

                  « C’était une lettre de ton petit ami ?

                - Non, et je n’ai plus de petit ami. 

                - Alors, de qui était-ce ? »

                Chaque mot que je prononçais ne brûlaient la langue, j’avais peine à parler, et ma colocataire aussi.

                « Je suis vraiment désolé Rose, commença-t-elle. Tu comptes beaucoup pour moi, mais sache que si tu n’avais pas été là, j’aurais sauté de joie… mais ce n’est pas le cas… »

                Qu’avais-je à répondre à cela ? Rien, sauf que je savais que je n’avais pas été trahie.

                « Tu sais, je m’en veux tellement de t’avoir donné de faux espoirs. Il faut que je retourne là-bas… Il faut que je retourne chez moi…

                - Emmène-moi avec toi ! Je t’en supplie !

                - Non. Je ne t’emmènerai pas avec moi, tout comme je ne te révèlerai pas où je pars. Comprends-tu ? Je veux que tu m’oublies… Avec toi, Rose, j’ai beaucoup appris et changé, mais à présent, je n’ai plus le choix… »

                La Terre venait de s’arrêter de tourner. J’arrivai avec peine à demander :

                « Quand pars-tu ?

                - Dans une semaine, répondis Olivy gênée.

                - Si j’avais su… »

                Sur ces mots je me levai et me réfugiai dans ma chambre pour pleurer.

                C’est ce soir-là que me vint l’inspiration qui fit de moi ce que je suis devenue aujourd’hui. Il fallait que j’évacue mon chagrin. J’allumai donc mon ordinateur avec un clavier en braille. Je me mis à écrire et finis par obtenir un poème : 

      

                    Dans les futurs jours

                    Il restera toujours

                    Une horrible cicatrice

                    De cet affreux sacrifice

                    Mon cœur saigne

                    Mes larmes baignent

                    Mon visage livide

                    Mon cœur candide

                    Vient de recevoir

                    Un long poignard

                    Me remplissant

                    D’un désespoir

                     Plus que noir

     

     

                La veille du départ d’Olivy, Namia vint, comme promis, boire le café. J’étais dans ma chambre à écrire à mon ordinateur lorsqu’elle frappa à la porte. Ma colocataire se précipita pour ouvrir à sa patronne. J’entendis japper, il semblerait que Namia soit venue avec son chien. Les deux femmes allèrent s’installer dans la cuisine. Olivy prépara deux Nespresso et sortit des chocolats.

                Elles parlèrent de banalités, mais elles ne se risquèrent pas à aborder le sujet du départ. Mon amie se doutait sûrement que j’écouterai la conversation. Pourtant, elle parla de moi à Namia :

                « Je t’en prie, prend soin de Rose. J’ai peur pour elle.

                - Ne t’inquiète pas, je m’en occuperai. Mais où est-elle ?

                - Dans sa chambre. Ca fait cinq jours qu’elle n’en sort que pour des besoins primaires. Nous sommes trop proche pour que je… Excuse-moi. »

                Olivy sortit son mouchoir tandis que Namia frappa doucement à ma porte :

                « C’est Namia, je peux entrer ?

                - Oui.

                Elle s’approcha rapidement ne me laissant pas le temps de fermer mon ordinateur.

                « Que fais-tu ? »

                Elle maintint l’ordinateur ouvert et se mit à lire ce qui m’énerva. Je commençai à m’agiter lorsqu’elle déclara d’une voix émue :

                « C’est beau !

                - Que voulais-tu ? la coupai je sèchement. »

                « Hum… Je souhaitais savoir comment tu allais.

                - Très bien. C’est tout ?

                - Non, j’ai… Nous avons une surprise pour toi. »

                Le nous impliquait Namia et Olivy. La coiffeuse se tourna vers la porte et appela :

                « Azur ! »

                Immédiatement, je perçus le bruit précipité des pattes sur le parquet. Le chien me lécha les mains et un sourire involontaire illumina mon visage.

                L’aube se leva sur le jour  le plus triste de ma vie après celui de la mort de mes parents. Azur avait dormi sur mon lit et il me réveilla. Le chien s’agitait devant la porte de ma chambre, Olivy s’apprêtait à partir. Mon petit compagnon grattait la porte de ses griffes et j’attendais, avide du moindre bruit, espérant un miracle. La porte de l’appartement s’ouvrit…

                La porte se ferma…

                Elle était partie.

     


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  • 2.0

    « Mes chers compatriotes. »

    L’homme sur l’écran de la télévision avait la voix grasse des gens qui ont bien profité de la vie et de la nourriture. Son ton exprimait sa fierté et sa joie d’être sur ce plateau. J’écoutais, avide du moindre bruit.

    « Tout d’abord, je souhaite vous remercier : si je suis ici ce soir, c’est grâce à vous ! Je veux être le Président qui rendra son équilibre au pays. »

    En effet, depuis bientôt deux ans, le pays s’était divisé et la crise sociale s’était répandue comme une traînée de poudre. Le président au pouvoir avait envoyé des forces armées coupant court aux négociations et aggravant la situation déjà sensible.

    « Je rendrai à la République les principes d’une démocratie libre et unie. Vous m’avez élu pour résoudre la crise. Je ne vous ferai pas attendre 5 ans pour vous annoncer des mesures concrètes comme mon prédécesseur ! »

    La foule siffla, applaudit selon ses convictions politiques. Jon Eleutéria, fervent militant de l’ULD (Union pour la Liberté et la Diversité), avait été élu par la majorité de la population aux élections présidentielles.

    « Vous me faîtes l’honneur de diriger ce magnifique pays. Par reconnaissance, je vais vous annoncer ma réforme majeure applicable en six mois. Le territoire sera divisé en deux. Au Sud, les Noirs se rassembleront autour d’Emèra et au Nord, les Blancs habiteront aux alentours de la capital d’Agora. Sachez que cette mesure est radicale et inévitable pour mettre un terme aux émeutes raciales. »


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  • 2.1

     

    Jaune

    Une si écarlate couleur

    Couleur de la faune

    Des sentiments de mon cœur

    Un rayon de soleil

    A la veille

    D’un nouveau jour

    Sous le signe de l’Amour

     

     

    « Vous êtes blanche ! »

    Les paroles de Namia ma revenaient souvent. Namia… Nous nous étions quittées trois mois plus tôt à la suite de la réforme de Jon Eleutéria. Nous communiquions par Internet une fois par semaine en moyenne. Malgré tout, elle me manquait considérablement...

    « Rose, concentre-toi un peu sur ce que je te dis ! »

    La jeune femme courant à mes côtés me tira de mes pensées en même temps qu’elle me tirait par  le bras. Comme tous les jeudis matins, nous courions dans le Parc du Troubadour. Pour ne pas irrité ma compagne, je demandai :

    « Que disais tu ?

    - Je disais que les éditions Grimal refusent de publier ton dernier livre, soupira-t-elle. »

    Phillipa était mon intermédiaire avec les maisons d’éditions. Elle était la seule à connaître le véritable nom qui se cachait derrière mon pseudonyme. Ce dernier était nécessaire, car mes livres traitaient des thèmes, comme le racisme et les apparences, qui dérangeaient.

    « Mr l’éditeur aurait-il changé d’avis ? demandai-je.

    - Il a été remplacé par un militant de l’ULD. De plus, il est vrai que ton dernier ouvrage est osé… 

    -  … Il est démocratiquement correct, la coupai-je. J’y explique équitablement les avantages et les inconvénients de la réforme contre les émeutes raciales ! Les lecteurs ont le libre choix de leur opinion. »

    Nous arrêtâmes notre jogging matinal. Je m’assis sur un banc pour reprendre mon souffle tandis que Phillipa buvait de grandes gorgées d’eau. La jeune femme me proposa la bouteille, je refusai et elle la rangea dans son sac à dos.

    « Est-ce tout ?

    - Non, dit-elle avant de marquer une pause. Un homme souhaite te rencontrer. Il a lu tous tes livres et désire te féliciter avec ferveur.

    - Quand ?

    - Vendredi midi, au restaurant Acapella. D’après moi, ce n’est pas raisonnable ! Réfléchis bien avant d’agir ! 

    - Pourquoi pas ?

    - Rose, ne sois pas insouciante ! Cet homme peut-être dangereux, avoir des idées d’extrémistes, te faire du chantage, que sais-je… Tu as beau écrire sous le pseudonyme d’Olivy tu n’es pas pour autant invulnérable ! »

    Elle avait plus raison que je ne voulais l’admettre. Contrairement à moi, la jeune femme ne vivait pas seule, avait d’autres amis et d’autres occupations. Je n’avais que l’écriture et elle, j’avais perdu le reste : Namia, mes parents, Olivy et la vue.

    « Très bien, annonçai-je sereine. Je ne suivrai pas tes conseils une seule et unique fois. »

    Sur ce, je repris le chemin tout en sachant que c’était une fois de trop. Phillipa fit quelques enjambées pour me rattraper et se tut pendant la marche du retour, respectant mon choix. Elle s’était habituée à mon caractère ne cherchant pas à s’y heurter de peur de perdre notre précieuse amitié.

    Le restaurant Acapella était situé au bord de la mer. D’architecture moderne, il n’entrait pas dans le cadre de mes modestes dépenses. Sachant que je ne payerai pas la note, ce déjeuner allait être un régal ! Le taxi me déposa devant le restaurant lorsque les cloches de l’église voisine sonnaient midi. Pour l’occasion, je m’étais coiffée décemment et avais enfilé une robe de saison.

    « Bonjour mademoiselle, aviez vous réservé une table ? m’apostropha un placeur.

    - Pas exactement. Un homme m’a invité à déjeuner chez vous. »

    « Pourriez-vous me donner son nom ?

    - Excusez-moi, je ne pourrais pas vous le donner avec exactitude… »

    L’homme me tendit son livre des réservations à contre cœur. De plus en plus mal à l’aise, j’allais abandonner et retourner à mon appartement. Phillipa avait sans doute raison : l’homme devait être un imbécile qui cherchait, par pur plaisir, à me faire sortir de ma tanière…

    « S’il vous plaît, mademoiselle. »

    La voix grave d’un homme m’interpella au moment où je franchissais le seuil de la porte. En quelques pas, il fut près de moi. Me serrant la main, il me salua :

    «  Bonjour, je suis Matis d’Olynthe. Je vous remercie d’avoir accepté de déjeuner, mademoiselle Olivy. »

    - Appelez-moi Rose, Olivy est juste un pseudonyme. »

    Matis parut hésiter un instant, mais je ne fis pas attention à son léger trouble, car il se ressaisit très vite et m’invita à le suivre jusqu’à la table. Nous nous installâmes sur la terrasse qui donnait sur la plage. C’était marée basse et la mer était calme. Les vagues s’écrasaient sur le rivage, gorgeant le sable d’eau dans un étrange chuchotis qui me rappelait cette inoubliable nuit, 18 mois plus tôt…

    « La vue est belle, n’est ce pas ? lança-t-il innocemment.

    Il me tira violemment de mes souvenirs et, je le raillai de façon sarcastique tout en rajustant mes lunettes sur mon nez :

    « Evitez-moi ce genre de commentaire !

    - Excusez-moi, je m’attendais à tomber sur une vieille dame posée et philosophe, et je me retrouve en face d’une jolie jeune femme avec un fichu caractère. »

    Sa remarque me fit rire. Plutôt gênée par ses belles manières, je changeai de sujet :

    « Comment avez-vous trouvé mon dernier roman ?

    - Formidable ! Votre point de vue sur les choses et les évènements me touche beaucoup. J’aime la façon dont vous raconter l’existence de cette femme soumise. C’est vraiment horrible, heureusement, de nos jours, notre pays est bien plus civilisé ! »

    Au fil de sa réponse, mon sourire amusé s’était transformé en une moue interrogatrice et méfiante. J’avais tiqué sur sa dernière phrase. Cet homme n’était pas le fervent admirateur de mes livres mais un banal lecteur qui ne réfléchissait pas sur la signification des mots qu’il lisait. Je n’aimai pas la subite tournure des évènements et préférai abréger le déjeuner.

    « Ecoutez-moi bien Matis, déclarai-je en me levant. Je pense que vous n’avez pas tout saisi. C’est l’histoire d’une femme soumise parmi tant d’autres, mais c’est aussi une vérité générale. A la place de la femme vous mettez le peuple et son mari qui la soumet, ce sont nos dirigeants. J’espère que vous comprendrez mieux pourquoi j’écris sous un pseudonyme. »

    Je marquai une pause. Il n’avait pas tenté de m’interrompre et je sentais son regard qui me détaillait comme si c’était la première fois qu’il me voyait. Les embruns de la mer me parvenaient avec plus de force. J’emplis mes poumons d’air salé avant de lancer :

    « Vous direz au serveur que la vue ne m’a plu. »

    Je le laissai là. Malgré mon emportement, j’essayai calmement d’éviter les tables au bruit des conversations. A l’intérieur, je demandai gentiment à une serveuse de me mener jusqu’à la sortie.

     Je pensais ne plus revoir Matis avant longtemps. Je me trompais.

    A cette époque, j’habitais un appartement dans la banlieue sud d’Agora. Il était plus petit que le précédent, mais confortable. Je bénéficiais d’une terrasse, très utile en cette saison estivale. Ce n’était pas le paradis, mais Azur et moi nous y étions habitués sans difficulté.

    Dimanche soir, je venais de faire la vaisselle et trouvais enfin un peu de temps pour écrire. Toute la journée, j’avais du courir entre mon appartement et le domicile de Phillipa. Nous devions fournir au plus vite des copies de mon manuscrit aux éditeurs potentiellement intéressés. J’entamais l’écriture d’un deuxième poème, lorsqu’Azur s’approcha de la porte, alerte. J’entendis des pas dans l’escalier, puis dans le couloir. Le bruit métallique de la sonnette me fit sursauter. Qui voulait me voir à cette heure tardive ? Si c’était Phillipa, elle aurait appelé avant de venir… J’attendis l’oreille collé à la porte. Pendant un moment, rien ne bougea. Je commençais à douter, pourtant mon chien était toujours là : attentif, silencieux et immobile. Comme pour lui donner raison, un soupir suivi de pas vers l’escalier retentirent. Sans réfléchir, j’ouvris la porte.

    L’inconnu se retourna, me vit, me reconnut. J’attendais un mot, un son pour tenter de reconnaître sa voix. Il s’avança d’un pas dans ma direction.

    « Bonsoir Rose. »

    - Bonsoir Matis, le saluai-je, surprise d’entendre sa voix grave.

    - Je suis désolé… je… 

    - Vous voulez un café ?

    - Merci. »

    Matis passa devant moi et je déchiffrai son parfum que cette fois-ci, je n’étais pas prête d’oublier : un savant mélange de lys et de jacinthe. Je lui préparai un expresso et m’assis en face de lui. Il n’était pas question que je boive du café sinon je ne dormirais pas. Bizarrement, je ne lui en voulais pas d’être venu, mais une question me brûlait les lèvres.

    « Comment connaissez-vous mon adresse ?

    - Votre café est délicieux, me complimenta-t-il tout en éludant ma question.

    Je souris et n’insista pas. Il avait ses secrets, où était le mal ? J’en avais tant. De plus, sa voix grave était plus triste, moins enjouée que vendredi midi.

    « J’espère que je ne vous dérange pas… Ce n’est pas poli de ma part, mais j’en avais besoin… Vous savez, reprit-il en se redressant dans le canapé, j’ai beaucoup réfléchi à vos propos et je pense que vous avez raison. J’étais ridicule. »

    Sa dernière phrase me fit rire. En s’excusant, il avait perdu toute sa superbe d’homme. Sans comprendre, il vida sa tasse, soulagé.

    Je m’étais arrêtée de rire depuis quelques minutes. Il ne disait rien, il m’observait. L’avais je vexé ?

    « Qu’y a-t-il ?

    - Vos yeux… Vous avez l’air si normal. J’ai l’impression, que vous lisez dans mes pensées… et pourtant.

    - Une personne normale vous jugerait d’abord sur votre physique, votre apparence et non sur vous vraiment, répondis-je gênée.

    - C’est pour cela que vous avez une mauvaise opinion de moi, rit-il.

    Matis se leva pour mettre sa tasse dans le lave vaisselle, dissipant ainsi mon embarras.

    Il s’assit devant mon ordinateur. Il lut. Au bout de quelques minutes, je décidais de me lever pour fermer le traitement de texte.

    « C’est beau… »

    Une larme glissa, involontaire et solitaire, sur ma joue. Six mois auparavant, Namia m’avait fait la même remarque, à la veille du départ de…

    « Excusez-moi, je n’avais pas l’intention de vous attrister. C’était un compliment sincère. »

    Je chassai d’un geste rageur la goutte d’eau salée et lui adressai un faible sourire. Je le remerciai en silence d’avoir sauvé la cuisine de l’inondation.

    « Ne vous inquiétez pas pour moi, cette larme appartient au passé. »

    Nous passèrent le reste de la soirée à bavarder joyeusement. Il avait le don de me faire rire et me fit oublier mes soucis quelques heures. L’aiguille de ma pendule avait depuis longtemps dépassé minuit lorsque je proposai à Matis de dormir sur le canapé pour éviter qu’il conduise de nuit. Il accepta et nous nous souhaitâmes une bonne nuit. Même si je n’avais pas bu de café, j’eus du mal à trouver le sommeil. En proie à des sentiments contradictoires, le marchand de sable ne vint me rendre visite que peu avant l’aube.

    Le soleil devait être haut dans le ciel quand j’émergeai peu à peu de la brume de mes rêves. Le souvenir de la soirée acheva de me réveiller. Je tendis l’oreille : pas un souffle, juste le murmure de la douche de ma voisine de palier. Enfilant ma veste de pyjama, je sortis de la chambre. Il était parti. Me laissant tomber sur le canapé, je respirai à plein poumon le parfum de lys et de jacinthe qui s’en dégageait. Légèrement nostalgique, je me préparai un bol de céréales. Mes doigts rencontrèrent alors par un hasard un carré d’épais papier avec des écritures brailles.

    « 11 rue de la Liberté

    Algaïa

    Tel : 0032511

    Au plaisir de vous revoir.

    Matis »*

    Pour moi aussi se serait un plaisir…

     

    _

    * : par soucis de compréhension, je ne vous ai pas retranscrit le message en braille


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  • 2.2

    2.2

    Noir

    Une si triste couleur

    Couleur du malheur

    Un profond désespoir

    Une déchirure des cœurs

    De jeunes amoureux

    De gens heureux

    Qui se sont quittés avant l’heure.

     

     

    « 11 rue de la Liberté, Algaïa, s’il vous plaît. »

    Le taxi démarra et au fil des minutes, il me rapprochait du domicile de Matis. Après de nombreux appels, nous nous étions fixés rendez-vous chez lui samedi soir. Il me téléphonait souvent en début de semaine, une touche de tristesse dans la voix. Il me parlait de son travail, de ses peines et de ses problèmes ; je lui parlais des miens. Nous nous entendions à merveille, nous étions deux âmes blessées qui s’étaient trouvés.

    Le chauffeur engagea la conversation. Il était jovial et je me sentis très vite en confiance.

    « Que pensez-vous de la réforme ? »

    Le propriétaire du taxi attendit le plus longtemps possible avant de répondre :

    « J’ai laissé ma femme enceinte de l’autre côté de la frontière. »

    Je n’insistai pas et me tus le reste du trajet. J’étais écœuré ; dans mon dernier livre, j’avais fait mention de cette atrocité. Où vivrait l’enfant métis de cet homme ? La réforme ne pourra durer. Diviser n’était pas la solution.

    Le taxi s’arrêta, je remerciai le chauffeur et sortis. Malgré la canicule, une vague de chaleur m’envahit et une petite boule se forma dans ma poitrine. Depuis que je connaissais Matis, la lueur au bout du tunnel s’était transformée en un feu de joie éblouissant. J’avançai prudemment, promenant mes doigts le long du mur. Je n’eus pas le temps d’actionner la sonnette qu’il avait ouvert la porte. L’anxiété quitta ma poitrine à partir du moment où son souffle avait effleuré mon visage. Nous étions consciente de l’ambiguïté de notre relation bien que nous faisions comme si de rien n’était, peut-être par peur de la vérité.

    « Je suis heureux que tu sois venue. »

    Sur ses simples mots, Matis m’invita à entrer et me présenta son chez-lui. L’agencement des meubles donnait une impression d’espace. C’était plus déstabilisant pour lui de me guider que pour moi de me repérer. Il avait peur que je me cogne contre quoi que ce soit, alors qu’à présent, il me suffisait d’un claquement de langue pour avoir une idée de la pièce.

    Le repas, préparé par un traiteur, fut délicieux. Comme à notre habitude, nous avons beaucoup parlé. Je commençais à bien connaître Matis. Sa vie avait débuté à la suite d’un drame 27 ans plus tôt. Clémence était jolie et frivole comme toutes les jeunes filles de 16 ans du Sud. Le soir de la fête nationale, elle but quelques verres de trop, puis ce fut le trou noir. Impossible pour l’adolescente de se rappeler de ce qu’elle avait fait ensuite. Une chose était sûre : 3 mois plus tard, son ventre s’arrondissait.

    Au début, Clémence avait peur, peur de celui qui prenait chaque jour un peu plus de place dans son corps. Le fœtus finit par l’amuser. Ses parents comprirent rapidement que leur fille n’était ni prête à avoir un enfant, ni à avorter.

    Dans la chambre d’hôpital, la seule personne à venir admirer le nouveau-né fut un oncle du Nord. Il sourit à Clémence : elle ne devait pas s’inquiéter, Matis serait entre de bonnes mains.

    Au fil du temps, le nourrisson était devenu un robuste homme du Nord. Son oncle et père adoptif lui avait transmis le goût de la politique et Matis adhéra au ULD. Je l’écoutais, je n’écoutais que lui, sa voix et pas les mots qu’il prononçait. On dit souvent que l’amour rend aveugle. L’expression qui me correspondait mieux était : l’amour rend muet.

    Comme toutes nos soirées, elle se déroula avec une rapidité effrayante. Matis se leva, souple, et alluma une chaîne Hi-fi. C’était une valse jouée au piano, magnifique… Les notes firent remonter en moi de merveilleux souvenirs, d’éclatantes couleurs…

    Matis avait disparu, Mme Sigè était à mes côtés. La professeure me tendait des pages blanches. Plus les feuilles immaculées s’accumulaient sur le piano, plus ses faux sourcils se fronçaient. Mes doigts glissèrent sur les touches blanches, puis sur les noirs. La musique emplit la pièce, un sourire éclaira mon visage d’enfant. Mme Sigè posa sa main sur mon épaule pour me témoigner sa fierté.

    A présent, tout se mélangeait dans ma tête. Le présent, le passé. La musique naissant sous mes doigts et la valse. Mon sourire et celui de Matis. Sa main sur mon épaule et celle de Mme Sigè. L’illusion se dissipa sur quelques mots :

    « Veux-tu danser ? »

    J’éclatai de rire, d’un rire faux. Etait-ce la nervosité de sa rapprocher dangereusement de l’inavouable révélation ? Je me levai une grimace sur le visage. Matis m’encouragea en me tenant la main. C’était comme si mon cœur se trouvait dans ma paume. Chacun de ses contacts me le réchauffait.

    La valse reprit avec un couple pour l’accompagner dans sa folle course. Ma peur disparut dès les premiers pas. Il avait enlacé ma taille et placé mon bras autour de ses épaules. Son autre main avait gardé mes fins doigts de femme. La mélodie nous pris au vol. Matis était mon guide entre les nuages, il connaissait le chemin. Les mots étaient inutiles. Un dialogue silencieux s’était installé entre nous. Il dissipait mes incertitudes. Mon cavalier me témoignait le même amour que je me refusais à lui avouer. Nos pas se rétrécirent, nos pieds se rapprochèrent, son souffle se fit plus chaud et la musique se tut sur un magnifique accord final.

    Les contes de fées n’existent pas… Pourtant, un instant j’y ai cru : ses lèvres s’unissant avec perfection aux miennes… La sonnerie du téléphone acheva notre étreinte plus que notre danse. Doucement, le rêve s’anéanti. Je m’affalai sur le canapé tandis qu’il se précipita sur l’appareil à l’horrible musique mécanique.

    « Oui ?

    - J’t’ai attendu toute la journée ! »

    La voix au bout du fil me glaça  le sang. Elle était négligée et le grésillement me rendait l’étrangère encore plus antipathique. Matis savait que j’entendais toute la conversation ce qui le rendit mal à l’aise.

    « Tu m’abandonnes ! J’en étais sûr qu’ça arriverait un jour ! Tu pourrais me remercier, quand même, de t’avoir gardé ! C’est grâce à moi que t’es là aujourd’hui. Sans moi tu serais pas ce que t’es ! Tu pourrais un peu penser à ta pauv’mère ! J’t’ai… »

    Matis raccrocha brutalement le téléphone et se laissa glisser le long du mur. Je m’approchai, pris tendrement sa main tandis que j’essuyai les gouttes d’eau salées sur son visage. Il se confit :

    « C’était ma mère… Depuis la réforme, mon oncle vieillissant veut que je m’en occupe tous les week-ends. Elle est devenue à moitié folle. Clémence m’en demande trop. Je ne peux pas gérer mon travail et elle. Elle me culpabilise, je… »

    Mes doigts avaient glissé sur ses lèvres pour lui intimer de se taire. Le reste de la soirée se déroula dans le douloureux souvenir du passé : moi, l’erreur génétique, lui, l’erreur de jeunesse.

    Enfin, l’heure vint où il fallut rentrer. Matis pris sa voiture et conduisit en silence. L’atmosphère légère et innocente était très vite retombée. Ce fut dans un lourd silence que je sortis du véhicule. Quelques pas et sa voix me rappelait déjà à lui.

    « Rose, Rose attends ! »

    En trois enjambées, il fut près de moi.

    « Je suis désolé, je ne voulais pas… »

    Doucement et à ma plus grande joie, il m’attira contre lui et nos lèvres s’unirent sur un magnifique accord final.

    Les contes de fées n’existent pas…

    Je respirais le bonheur. Les oiseaux chantaient l’amour, les fleurs dégageaient le plus délicieux des parfums, le soleil illuminait ma vie. Cependant, j’ai vite déchanté.

    Lundi, l’astre doré écrasait de ses rayons la place Eleuthéria. L’atmosphère était chaude et lourde. La nervosité ambiante était l’annonce d’un orage pour la soirée. Je ne m’occupais pas de la météo, seul Matis m’importait. Je lui avais donné rendez-vous chez moi à huit heures…

    « Rose ! Concentre-toi un peu sur ce que je t’explique ! »

    Phillipa était installée en face de moi dans une petite cafétéria. Elle désapprouvait mon inattention, et je l’imaginais facilement les sourcils froncés et une moue aux lèvres.

    « J’ai deux mauvaises nouvelles à t’annoncer et ne réagis même pas ! Qu’est ce qui t’arrive ? dit-elle agacée.

    -Vas-y, je suis tout ouïe. 

    - Tout d’abord, un seul éditeur accepte de publier ton livre à condition de supprimer un ou deux arguments contre la réforme…

    - Ce qui signifie que je serais en sa faveur ? C’est hors de question ! Je ne renierai jamais mes idées !... Quel est la deuxième mauvaise nouvelle ? »

    Phillipa ne répondis pas immédiatement, marquant un temps d’hésitation à choisir la meilleur solution : se taire ou dire la vérité.

    « Alors ? m’impatientai-je.

    - Tu sais, je m’inquiète pour ta sécurité. La propagande installée par Jon Eleuthéria n’est pas censée protéger tes idées, c’est plutôt le contraire… Sache que je n’ai confiance en personne et sans moi, tu serais déjà derrière les barreaux…

    - Qu’y a-t-il Phillipa ? Je ne t’ai jamais entendu aussi inquiète. Je t’aime et te respecte beaucoup. Parle, n’es crainte ! tentai-je de la rassurer.

    - L’homme qui a voulu te rencontrer au restaurant Acapella, je n’avais pas confiance, alors… j’ai fait des recherches sur lui… »

    Le sang se glaça dans mes veines. D’un signe de tête, je lui demandai de continuer :

    « Il s’appelle Matis d’Olinthe et a 27 ans. Il est fils d’une certaine Clémence d’Olinthe et d’un père inconnu. Il a fait des études de criminalité option politique à l’école polytechnique d’Agora. Il s’est mis à son propre compte proposant sas services de détective aux plus aisés. »

    Je connaissais ces informations sur la vie de matis. Mais, Phillipa n’avait pas l’air d’avoir terminé. A présent, je redoutais le pire.

    « En tant que partisan du ULD, sa secrétaire m’a appris qu’il avait été chargé de quelque recherche par le parti, et… Rose… Ca va ? »

    Malgré ma chaleur écrasante, j’avais de glacials frissons dans le dos. Je me sentis défaillir et me précipitai à l’extérieur. Mon intermédiaire me rejoignit.

    « Pourquoi ?... Pourquoi Phillipa faut-il toujours lorsque ma vie commence à devenir stable… Pourquoi faut-il que tout s’effondre ?

    -Excuse-moi, je ne pensais pas un instant que… »

    Le feu de joie n’était plus que des cendres. L’obscurité était retombée dans prévenir.

    Tout était arrivé si soudainement. Tout s’était déroulé si vite. Olivy, notre amitié, le goût des livres, son départ précipité, la réforme, Phillipa, et enfin Matis, des sentiments nouveaux. Ma vie était un échec.

    Ainsi dans la cuisine, je repassais en boucle les tragiques évènements de ma pauvre destinée. La journée s’acheva dans les larmes. Je ne voulais plus écrire pour me consoler. Le téléphone sonna plusieurs fois, je ne bougeai pas. Azur tenta de m’égayer, je ne bougeai pas. J’attendais huit heures.

    La stridente sonnerie retentit à l’heure prévue. Je ne bougeai pas. J’hésitais entre la fureur et la fatalité. La sonnerie me brisa à nouveau les tympans. Je ne bougeai, mais sa voix grave me décida définitivement.

    « Rose ! Tu es là ? C’est Matis. »

    J’ouvris énergiquement la porte d’entrée.

    « Excuse-moi, je ne t’avais pas entendu, dis-je brutalement avec un sourire forcé. »

    Il me tendit un paquet, un cadeau, un leurre. La rage l’avait emportée sur le désespoir. J’avais retrouvé toute ma vitalité et mon énergie. A présent, j’étais prête à faire payer ce traître. Il se pencha pour m’embrasser, mais, prestement, j’allais déposer le paquet dans ma chambre. Lorsque je revins dans la pièce, il s’était installé dans le canapé.

    « Tu as passé une bonne journée ? entama t-il la conversation.

    -Oui, merveilleuse ! J’ai appris des informations très intéressantes… te concernant tout particulièrement. »

    J’avais touché juste. Il ne répondit pas. Par pur plaisir, je laissai une minute s’écoulée. Il était doué, il savait contrôler ses émotions.

    « Je n’ai pas l’habitude de tourner autour du pot. Pour qui travailles-tu ? attaquai-je… Pour qui travailles-tu ?! répétai-je, ma voix frôlant les aigus.

    - Pour l’ULD. Et alors ? répondit-il en se levant.

    -Alors ?! Tu m’as bernée, tu n’es qu’un traître. Tu me fréquentes pour mieux me dénoncer. Tu me dégoûtes ! 

    - Je…

    -Tais-toi ! Tu auras tout le loisir de parler lors de mon procès. Comment as-tu pu me trahir à ce point ? Tu savais, tu as profité de ma naïveté, tu… hurlai-je, la fureur remplaçant la rage.

    - Je ne te laisserai pas continuer à cracher ses stupidités ! Je t’ai dis que je travaillai pour l’ULD, mais tu ne m’écoutais pas. Je ne t’ai jamais menti. Je t’aime et je ne me suis pas trompé. La seule erreur que j’ai commise, c’était de croire qu’Olivy était ton véritable nom. Ma mission ne concerne pas Rose Bia, mais Olivy. Si tu ne m’avais pas ouvert les yeux sur notre société, je t’aurais vite oublié. »

    J’étais effondrée et cachais tant bien que mal mes larmes derrière mes lunettes. Cependant, je n’allais pas me laisser abattre, mais il n’avait pas fini.

    « Le seul élément que je n’ai pas découvert est pour quelle raison tu as pris ce pseudonyme peu commun. »

    Toutes ces émotions fortes et sa dernière phrase rouvrit la plaie dans ma poitrine. Celle que j’avais mis neuf mois à cicatriser. Les larmes jaillirent en cascade telles les chutes d’Iguaçu.

    Matis s’approcha pour me prendre dans ses bras. Je le repoussai violemment et lui crachai au visage la douloureuse vérité :

    « Tu veux connaître la réponse pour ta fichue enquête ? Je vais te la dire, mais ensuite, je t’interdis de revenir ici, disparais !... Olivy est entrée dans ma vie un soir d’été, elle en est sortie un matin d’hiver. Elle a laissée un cœur blessé et une amitié inoubliable. »

    L’homme au subtil parfum de lys et de jacinthe se dirigea vers la porte suivant mes ordres. Sa voix grave résonna à mes oreilles pour une ultime fois :

    « Merci. J’ai noté l’adresse d’Olivy sur cette feuille de carnet en espérant qu’elle fasse ton bonheur. »

    La porte s’ouvrit, se ferma. Les pas s’éloignèrent. Je tâtai frénétiquement le papier pour tenter de déchiffrer les mots écrits au stylo.

    Quelques minutes plus tard, un taxi m’emportait vers Olivy.

    Mon amie habitait un quartier résidentiel tranquille réservé aux classes plutôt aisées. Les femmes et leurs maris partaient tôt le matin au travail pour rentrer tard le soir. Les enfants étaient soit à l’école, soit à la garderie et les familles passaient leurs week-ends chez des amis. Se faire oublier dans cet environnement paisible ne pouvait être plus facile. Les oiseaux devaient égayer les journées, mais je n’eus pas l’occasion de le constater. La sensation de chaleur provoquée par les phares du taxi s’atténua pour se dissiper totalement. Je me tenais seule dans l’obscurité, seule dans  la nuit rafraîchissante de fin d’été, seule devant le numéro 23 de la rue Jose Luis Borges.

    D’un doigt fébrile, j’actionnai la sonnette qui retentit tel un cri de détresse. Une personne se traîna dans un escalier. J’inspirai profondément lorsque le cache de l’œil de bœuf coulissa. Des secondes interminables s’écoulèrent avant que la clé tourne dans la serrure et que les gonds de la porte s’ébranlent.

    « Rose ?... »

    La minute suivante, nous étions enlacées comme si nos vies en dépendaient. La jeune fille que j’avais quittée était devenue une femme. Cependant, elle restait toujours aussi fragile, les os saillants et la taille si svelte. Toutes les bonnes choses ont une fin et Olivy m’invita à entrer. Nous avions neuf mois à rattraper. Je commençai. A l’évocation de Matis et de l’ULD, elle ne réagit pas, en tout cas ce fut ce je crus. Volontairement, je ne mentionnai pas la journée catastrophique que j’avais passée. Puis ce fut son tour :

    « La semaine précédent mon départ, je m’étais renseignée auprès des agences immobilières et avais acheté cette discrète villa en ton nom. J’y ai écoulé des jours paisibles, mais la nuit ton visage me hantait, j’avais honte de ma traîtrise. Comme toi, j’ai fini par accepter cette vie, je n’ai pas le choix. »

    Elle fit une pause de peur que ses souvenirs la submergent. Après un profond soupir, Olivy se lança dans les explications.

    « Ma vie a tourné au cauchemar cinq ans plus tôt. A dix-sept ans, dans un bureau enfumé par les cigares de trois hommes, je signai mon admission au parti de l’ULD. J’ai été initiée à la politique pendant trois ans. A force de propagande, je suis devenue une fervente militante. Pour ma quatrième année, les trois hommes m’ont convoqué dans le bureau.  Les papiers, documents et livres s’y était entassés. La fumée y était encore plus irritante et épaisse. Jon, un homme à femmes le plus manipulateur du parti, m’a expliqué ma mission en louant mes qualités et mon devoir de sauver la patrie. Mon joli minois devait récolter au gouvernement des informations servant les intérêts de l’opposition. Naïve et insouciante, je me suis rendu compte de mes erreurs trop tard. Le président venait de mourir et son sosie le remplaçait déjà pour terminer son mandat. Je me suis enfuie loin d’Agora et cette nouvelle scandaleuse n’est parvenue à l’ULD que neuf mois plus tard. Grâce à mon emploi, ils ont fini par me retrouver. Te souviens-tu de la lettre ? »

    J’hochai la tête tristement. Jamais, je n’oublierai cette terrible journée.

    « J’ai feignis d’être heureuse en la recevant pour que tu m’oublies, mais j’ai craqué. Le gouvernement fit croire à la population que le président était décédé d’une tumeur au cerveau. Deux mois plus tard, eurent lieu les élections et Jon oublia temporairement ma désertion. A la suite de la réforme, le chef d’Etat voulut diviser l’opposition et ayant perdu ma trace, il engagea Matis d’Olinthe. J’étais le témoin parfait et il comptait bien me faire payer ma trahison. Tu m’as beaucoup aidé sans le vouloir. »

    Tentant d’étouffer un bâillement, Olivy me conduisit dans la chambre d’ami. Elle me regarda me coucher, éteignit la lumière et quitta la pièce.

    Malgré la fatigue, je ne parvenais pas à trouver le sommeil. Les larmes coulaient sur mes joues sans bruit.

    Les premiers rayons du soleil me réveillèrent. Ils avaient séché les gouttes d’eau salées par la peine et réchauffé mon cœur à présent léger. Je descendis rejoindre Olivy dans la cuisine. Elle me servit le traditionnel bol de céréales.

    « Un dernier détail m’intrigue, dit-elle. Comment as-tu eu mon adresse ?

    - Matis me l’a donné avant que je le chasse définitivement.

    - Pourquoi ?

    - Je croyais qu’il m’espionnait, je l’ai pris pour un traître alors que je m’étais laissée aller dans ses bras et sur son cœur. De toute façon, je ne l’aime plus. 

    -  Comme tu peux être idiote et butée, rit-elle. Tu l’aimes autrement tu n’aurais pas pleuré toute la nuit. Franchement, qu’attends tu ? Si j’en crois ce que tu m’as dit, c’est un homme formidable. Il est prêt à perdre sa réputation pour ton bonheur ! »

    Je rougis comme jamais auparavant. Pris d’un subit élan, je m’élançai vers la station de taxi la plus proche.

    Le soleil se levait à l’horizon. Jamais je ne me brûlerais les yeux à l’admirer. Jamais je ne retrouverais la vue, mais j’avais trouvé l’amour. N’était ce pas largement suffisant ?

    Les couleurs sont comme les vies : elles se mélangent et se séparent indéfiniment...

     


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